LA REVUE ANNUELLE DE L’ASSOCIATION
DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC
N°18
Paysages
et transition
écologique
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quantité d'énergie solaire absorbée par les surfaces en asphalte telles que les stationnements et les
aires de jeux. La réduction de l'effet d'îlot de chaleur aide à minimiser l'impact sur le microclimat grâce
à l'utilisation d'un matériel de revêtement d’asphalte à haute réflectance solaire et peut contribuer aux
projets de crédits LEED®.
Le béton bitumineux est l'une des principales causes de l'effet d'îlot de chaleur en milieu urbain,
contribuant à environ 30 à 40 % de l'empreinte urbaine. La réduction de l'effet d'îlot de chaleur réduit
la consommation d'énergie et peut réduire les factures de climatisation jusqu'à 33 %, sans oublier que
des chaussées plus fraîches signi(ent également des chaussées plus sûres et plus confortables.
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7
Mot de la présidente
10 Collaboration
12 La reconnaissance d’un droit
au paysage au Québec :
une nécessité
VINCENT BILODEAU
14 Collaborer pour s’adapter
à un monde en mutation
ALAN DESOUSA
18 La participation des enfants
en aménagement :
un droit à valoriser
ISEULT SÉGUIN-AUBÉ
20 Passer du rêve au REV :
la réalisation d’un premier axe
nord-sud du Réseau express
vélo de Montréal
ISABELLE GUY et CATHERINE TURCOT
24 Le changement
de paradigme des parcs
JONATHAN CHA et ANTOINE HÉNAULT
28 (Re)penser au lieu de compenser
MÉLANIE GLORIEUX
30 Le paysage comme laboratoire
vivant : de l’importance du suivi,
de l’observation et des soins actifs
PATRICIA LUSSIER
36 Les boisés urbains comme alliés
de la transition écologique
JULIE ST-ARNAULT et MIRA HAIDAR
39 Le corridor écologique
du grand Sud-Ouest
ANNE AUBIN
44 Le gazon et le « sauvage »
GENEVIÈVE DEPELTEAU
49 Le stationnement
écoresponsable comme levier
de la transition écologique
ROMAIN COSTE
52 Le parc inondable Tesasini – ZIBI
CHRISTIAN MATTEAU
56 Renouveler la fonction productive
des terres agricoles
KARL GAUTHIER, FLORENCE HARVEY
et FRÉDÉRIQUE ST-ARNAUD
85 Mot de la directrice générale
86 Conseil et comités AAPQ
87 Activités 2022
91 Nouveaux membres 2022
92 Lauréats 2022
98 Répertoire des bureaux 2023
PAYSAGES ET TRANSITION ÉCOLOGIQUE
RÉPERTOIRE
DES ANNONCEURS
NOUVELLES
DE L’ASSOCIATION
Pages 7 — 59
Éditeur
Association des architectes
paysagistes du Québec
420, rue McGill, bureau 406
Montréal (Québec) H2Y 2G1
Direction éditoriale
Catherine Fernet
Julie St-Arnault
Louise Vachon
Coordination
Christine Lessard
Louise Vachon
Révision des textes
Sylvie Lemay
Direction artistique
et design graphique
Le Séisme
Page couverture
Romain Lasser
Impression
Héon et Nadeau
Publicité
info@aapq.org
—
Écrivez-nous !
Recevoir vos commentaires, questions
et suggestions est toujours un privilège.
→ info@aapq.org
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Tous droits réservés
ISSN 1911-8554
Reproduction interdite sans l’autorisation
de l’AAPQ. PAYSAGES, la revue annuelle
de l’Association des architectes paysagistes
du Québec, est publiée une fois par année.
La publication dans ses pages d’annonces
de type publireportage et de publicités
ne signifie pas que l’AAPQ recommande
ces produits et/ou services. Les opinions
et idées contenues dans les articles
n’engagent la responsabilité que de leurs
autrices et auteurs.
La couverture est imprimée sur du papier
Rolland Opaque blanc MC 200M – 30 %
recyclé postconsommation, certifié FSC®.
Les pages intérieures sont imprimées sur
du papier Enviro 100 satin texte blanc
140M – 100 % recyclé postconsommation,
certifié FSC®.
Association des architectes paysagistes du Québec
Pages 60 — 81
Pages 82 — 100
Paysages — No 18
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C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous vous présentons l’édition
2023 de la revue PAYSAGES. Au nom de l’équipe, je remercie sincèrement
toutes les personnes qui ont pris le temps de nous soumettre leur texte.
Il est vrai que le thème de cette année, la transition écologique, nous inter-
pelle particulièrement comme professionnels, sans doute parce qu’il prône
des valeurs chères à notre communauté, comme l’équilibre nature et envi-
ronnement urbain et la création de lieux écologiquement fonctionnels,
pour ne nommer que ceux-là, et aussi parce que nous avons l’impression
de jouer un rôle prépondérant dans sa mise en œuvre.
En effet, la transition écologique met à profit nos compétences par l’im-
plantation du transport actif dans nos communautés, par l’intégration de
végétaux adaptés pour contrer l’érosion et la sécheresse, par la réhabili-
tation de sites ayant subi de lourdes transformations et par la valorisation
d’une biodiversité locale, biodiversité d’ailleurs mise de l’avant durant les
événements de la COP15 à Montréal à la fin de la dernière année, qui a su
mobiliser des acteurs de toutes parts. Nous avons pu constater que faire
valoir la juste place de la végétation dans nos projets n’est pas toujours
facile. Bien qu’elle prenne en compte l’atténuation de certains problèmes
soulevés par les changements climatiques, elle nous confronte à toutes
sortes de freins quant à son insertion. Dans certaines situations, notre
rôle nous amène davantage à sensibiliser les gens ou à leur communiquer
les meilleures pratiques environnementales avant de pouvoir passer aux
étapes plus concrètes d’avancement d’un projet.
Au fil du temps, l’expertise que nous avons développée en matière de trans-
formation et d’adaptation de nos villes nous place actuellement dans une
position de leader au sein de nos équipes de travail. Vous le verrez en lisant
nos rédacteurs : la diversité des gestes qu’ils posent pour accélérer cette
transition va bien au-delà de la valeur écologique ajoutée. On peut consta-
ter que des environnements plus verts présentent de multiples attraits, que
des lieux de socialisation riches favorisent le maintien d’une bonne santé
physique et psychologique. Les aménagements intelligents, équilibrés,
sensibles aux besoins exprimés par le milieu visent avant tout à faire évoluer
nos modes de vie et contribuent de façon significative au renforcement et
à la résilience de nos communautés.
Chers/chères collègues et ami(e)s, je vous souhaite une bonne lecture et
une belle année au cœur de la transition écologique !
Mot de la présidente de l’AAPQ
Adapter
nos paysages
Catherine Fernet
Paysages — No 18
Association des architectes paysagistes du Québec
Paysages
et transition
écologique
10
Paysages — No 18
Alan DeSousa, FCPA
Président du conseil du Fonds municipal vert et maire
de Saint-Laurent, Alan DeSousa assure une présence
active à tous les niveaux du monde municipal
depuis plus de 30 ans. Les nombreuses politiques
et réglementations en développement durable qu’il
a implantées lui ont valu diverses récompenses à
l’échelle provinciale et nationale.
Geneviève Depelteau
Geneviève Depelteau est une architecte paysagiste
qui œuvre au sein de l’Enclume, une coopérative de
travail en aménagement qui préconise des projets
contribuant à la vitalité du territoire et à la qualité de
vie des citoyens. Au sein de son entreprise, l’Enclume
encourage la création de projets endogènes.
Nouveaux Voisins est l’exemple d’un projet qui vole
dorénavant de ses propres ailes.
Isabelle Guy
Architecte paysagiste à la Ville de Montréal, Isabelle
se spécialise, depuis plusieurs années, dans
l’aménagement des rues. Elle est passionnée par le
repartage de la rue au profit des déplacements actifs
et collectifs afin de la rendre accessible, attrayante et
sécurisante pour toutes et tous, en toutes saisons.
Jonathan Cha
Docteur en aménagement de l’espace et urbanisme,
urbanologue, architecte paysagiste et chef d’équipe
en aménagement et conservation au parc Jean-
Drapeau, où il travaille à la mise œuvre du Plan
directeur de conservation, d’aménagement et de
développement 2020-2030.
Mélanie Glorieux
Mélanie Glorieux est titulaire d’une maîtrise en génie
de l’environnement et exerce son métier d’architecte
paysagiste en privé depuis plus de 25 ans. Son
expertise dans la conception de projets intégrant les
infrastructures vertes et les phytotechnologies s’inscrit
dans son souci de protection des milieux naturels.
En tant que première professionnelle certifiée SITES AP
au Canada, elle mise sur la régénération des sites pour
assurer le rendement des services écosystémiques.
Mélanie est actuellement directrice de projet et associée
chez Rousseau Lefebvre.
Romain Coste
Romain Coste est détenteur d’un baccalauréat en
urbanisme. En tant que coordonnateur Transport
et urbanisme au Conseil régional de l’environnement
de Montréal, il accompagne les propriétaires, les
gestionnaires, les promoteurs, les firmes et les
municipalités dans la gestion, l’aménagement et
la réglementation écoresponsables des aires de
stationnement.
Vincent Bilodeau
Diplômé en architecture de paysage, Vincent Bilodeau
a travaillé chez NIPPAYSAGE avant de poursuivre des
études en droit, où il s’intéresse principalement au
droit de l’environnement. Il collabore également avec
le Centre québécois du droit de l’environnement et le
Conseil régional en environnement de Laval dans le
cadre d’un projet pro bono.
Anne Aubin
Dans un parcours mixte entre le privé et le public,
Anne Aubin, architecte paysagiste, contribue à la
biodiversité par un design intégré et durable. Sensible
à la nature, elle cherche à la mettre en valeur dans
les milieux de vie. Ses espaces nous invitent à lâcher
prise et à contempler.
Karl Gauthier
Titulaire d’un baccalauréat en urbanisme de
l’Université de Montréal et d’une maîtrise en sciences
appliquées, Karl a développé un intérêt marqué pour
les problèmes liés au grand paysage, à l’aménagement
du territoire et à la mise en valeur de son patrimoine.
Il a travaillé sur la question des outils de protection et
de mise en valeur des paysages et de l’environnement.
Florence Harvey
Après des études en sociologie et en anthropologie,
Florence s’est réorientée vers l’architecture de
paysage puisqu’elle souhaitait trouver un heureux
équilibre entre intellect et création. Elle utilise
toujours ce bagage aujourd’hui pour marier design
et analyse, ce qui lui permet de présenter des
propositions adaptées au contexte auquel elles
s’appliquent.
Association des architectes paysagistes du Québec
11
Catherine Turcot
Ingénieure à la Ville de Montréal depuis 2019,
Catherine conçoit des infrastructures cyclables afin
de faire du vélo un moyen de transport accessible
et attrayant pour tous les groupes de population,
en particulier les enfants. Elle s’intéresse à la
transformation de la rue et considère qu’elle participe
grandement à la vie urbaine.
Iseult Séguin Aubé
Iseult Séguin Aubé est titulaire d’une maîtrise en
architecture de paysage et candidate au doctorat
interdisciplinaire en aménagement à l’Université de
Montréal, où elle agit à titre de chargée de cours.
Elle s’intéresse à l’interface entre la justice et le
paysage, ainsi qu’à l’apport de la nature au bien-être
psychologique.
Antoine Hénault
Titulaire d’un baccalauréat en écologie et d’une
maîtrise en sciences biologiques sur les communau-
tés microbiennes des toits verts, Antoine agit à titre
de conseiller en écologie au sein de la Société du parc
Jean-Drapeau.
Patricia Lussier
Patricia Lussier est architecte paysagiste associée
chez Lemay. Elle compte plus de 20 ans d’expérience
dans le développement d’espaces publics. L’activation
de l’espace public, le maillage avec le tissu urbain
et l’intégration de solutions innovantes pour assurer
la résilience des lieux identitaires constituent les
fondements créatifs de ses paysages. Sa démarche
l’a amenée à participer à divers projets et concours
pluridisciplinaires dont plusieurs ont obtenu de
nombreux prix d’excellence.
Julie St-Arnault
Julie St-Arnault est cofondatrice et associée
principale chez Vlan, où elle agit à titre de directrice
de projet. Elle œuvre fréquemment au sein d’équipes
multidisciplinaires qui regroupent plusieurs interve-
nants, agissant comme coordonnatrice de groupe
et directrice du volet paysage. Elle est diplômée de
l’Université de Montréal en architecture de paysage.
Mira Haidar
Titulaire d’une maîtrise en aménagement, option
conservation du patrimoine bâti, et d’une maîtrise
en architecture de paysage (MAP) de l’Université de
Montréal, Mira est architecte paysagiste intermédiaire
chez Vlan. De plus, elle donne régulièrement des
cours dans le cadre des ateliers en architecture de
paysage à l’École d’urbanisme et d’architecture de
paysage de l’Université de Montréal.
Romain Lasser
Romain Lasser est un illustrateur de Montréal
évoluant dans les domaines variés de l’éditorial, du
branding (microbrasseries) aux affiches de festival,
en passant par l’édition et la publicité. Son style très
coloré met l’emphase sur le concept et les émotions
tout en gardant une touche graphique et épurée.
Christian Matteau
Christian Matteau est diplômé (1994) de la Faculté
d’aménagement de l’Université de Montréal.
Architecte paysagiste et directeur principal de projets
chez CSW, il œuvre pour la transformation des
espaces naturels et urbains autour d’une approche
durable de l’urbanisme. Il intègre en amont de sa
réflexion les principes permettant de consolider les
trames vertes et bleues en milieu urbain.
Frédérique St-Arnaud
Dans sa pratique, Frédérique s’intéresse aux
préoccupations sociales liées à la question de la
préservation du patrimoine paysager et au processus
de consultation dans les projets d’aménagement.
Elle a collaboré à l’idéation et à la réalisation de
consultations publiques portant sur des dossiers
d’envergure tels que le réaménagement de certains
sites exceptionnels d’intérêt patrimonial.
Collaboration
12
Paysages — No 18
Cette notion de propriété est bien ancrée dans notre mode d’habiter
le territoire, qui se manifeste quotidiennement par l’expression « être
maître chez soi ». Si cette pensée qui reflétait son état juridique
est toujours très répandue au sein de la population québécoise,
la situation juridique a évolué pour faire place à une notion de pro-
priété privée qui peut s’exprimer simplement par le fait qu’elle évalue
désormais l’étendue du droit de propriété selon une prépondérance
des valeurs collectives et privées. Olmsted prédisait :
« Si le gouvernement ne prend aucune mesure pour soustraire ces
lieux à l’emprise des particuliers, tous les paysages propices au
repos de l’esprit et du corps seront bientôt inaccessibles à la plus
grande partie de la population. De la même façon qu’il faut protéger
les cours d’eau contre les appropriations privées et protéger leur
utilisation à des fins de navigation ou autres, il importe que des
parties du paysage naturel soient préservées et entretenues par les
autorités publiques1. »
D’un droit de propriété considéré absolu hérité du droit français,
au Québec, l’évolution des contextes économique, social et idéo-
logique ont amené une transformation du caractère de ce droit.
Certes, la propriété est une valeur universellement reconnue dans
notre société québécoise, mais cette société a évolué pour devenir
de plus en plus complexe. Dans cette « complexe-cité », les compro-
mis propres au vivre-ensemble doivent avoir préséance sur le libre
marché afin d’assurer la cohésion sociale. La propriété ne peut plus
être considérée comme un droit individuel : elle doit être abordée
selon ses usages et populations. La Cour suprême a reconnu en
2008, dans un jugement historique2, l’existence d’un régime de res-
ponsabilité civile sans faute en matière d’exercice dommageable du
droit de propriété. N’y a-t-il pas là la prémisse d’une reconnaissance
d’un droit au paysage au Québec ?
S’interroger sur la reconnaissance d’un droit au paysage nécessite
d’abord de s’intéresser au sens du terme « paysage » dans le cadre
législatif. Sans surprise, il n’existe pas de définition uniforme dans
la législation en vigueur au Québec. La Convention européenne
du paysage, dès l’année 2000, proposait cependant la définition
suivante : « partie de territoire, telle que perçue par les habitants
du lieu ou les visiteurs, qui évolue dans le temps sous l’effet des
forces naturelles et de l’action des êtres humains3 ». Cette définition
empreinte de lucidité est répandue et acceptée, et gagnerait à être
intégrée dans la législation québécoise. C’est sur celle-ci que nous
allons nous baser dans ce texte.
La Convention européenne du paysage nous apprend que le paysage
n’est pas fixe dans le temps, qu’il est intrinsèquement lié à la percep-
tion que la population peut en avoir et qu’il peut être lié à des facteurs
humains, naturels ou à une combinaison des deux. En d’autres mots,
le paysage nous entoure. Il existe et s’impose dans tous les milieux.
Fleuve, gratte-ciel, quartier résidentiel, forêt, autoroute, communauté
autochtone, village, etc., forment et subissent le paysage.
La reconnaissance
d’un droit au paysage
au Québec :
une nécessité
On parle de plus en plus de la difficulté de l’accès à la propriété
privée, soutenant qu’il est essentiel que le gouvernement légifère
rapidement afin de réguler le marché et favorise l’accès à la propriété,
en particulier pour de premiers acheteurs.
Vincent Bilodeau
Architecte paysagiste et étudiant
au baccalauréat en droit
Éthique et paysage
Association des architectes paysagistes du Québec
13
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Un droit au paysage ne porterait donc pas uniquement sur la
question de permettre son accès, visuel ou physique, mais plu-
tôt sur sa qualité, une qualité à laquelle chacun participe et que
tous subissent. Le droit au paysage se présente alors comme étant
le droit d’exister au sein de paysages de qualité, une qualité, rap-
pelons-le, relative selon sa perception par la communauté. Deux
paysages de qualité peuvent l’être pour des motifs distincts, voire
diamétralement opposés : patrimonial, écologique, économique,
social ou un amalgame de plusieurs de ces motifs.
Certes, le cadre législatif québécois reconnaît actuellement la
valeur de certains paysages de qualité jugée exceptionnelle, mais
ces qualifications s’inscrivent souvent dans une approche spé-
cifique de conservation de leur caractère visuel et non dans une
perspective transdisciplinaire générale. Le droit au paysage rejoin-
drait plutôt, à plusieurs égards, le respect des droits humains. Une
résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en
juillet dernier déclarait que l’accès à un environnement propre, sain
et durable est un droit humain universel. Dans ce contexte, le droit
au paysage doit prendre en considération le champ de la justice
spatiale et les droits des générations futures.
Et si le milieu lui-même avait une voix ? Des droits qui dépassent les
besoins humains pourraient-ils être accordés à des composantes
naturelles ? Notons que de nombreuses fictions juridiques en ce
sens ont déjà vu le jour – l’idée n’est pas si farfelue. La cause ani-
male en est un exemple frappant. L’idée que des animaux puissent
posséder des droits et être protégés était inédite il y a seulement
quelques décennies. Cette nécessité est bien reconnue de nos
jours. Mais protéger les espèces n’est pas suffisant : il faut y inclure
leur environnement et les relations qui créent leur habitat. En ce
sens, de nouvelles pratiques émergent alors que certains juristes
prônent la reconnaissance de droits pour la nature. Issus de ce pos-
tulat, certains milieux – rivières, tourbières, bassins versants, landes,
forêts – deviennent des sujets de droit, délégataires représentés par
des délégués humains. Le premier et le seul exemple au Canada est
la rivière Magpie, qui s’est vu octroyer la personnalité juridique en
février 2021. Le droit au paysage doit également en prendre acte. Les
milieux eux-mêmes peuvent et doivent avoir une voix.
De cette fiction juridique, il ressort que le droit au paysage doit
être holistique. À la fois la nature, les personnes, les entreprises et
les animaux participent au paysage et devraient ainsi être consi-
dérés par un tel droit collectif. Difficile d’imaginer cependant une
table de gouvernance où loup, humain,
forêt et société acéricole collaborent. C’est
alors que l’architecte paysagiste s’impose
comme étant professionnellement désigné
pour coordonner une transition écologique
qui passe par la reconnaissance de ce droit
au paysage. L’architecte paysagiste, d’abord
parce qu’il comprend ce qu’est le paysage,
sait que l’esprit de chaque lieu lui est singu-
lier et qu’il doit être abordé avec les acteurs
et professionnels concernés. C’est d’ailleurs
le propre de l’architecte paysagiste de créer
un milieu de vie où la temporalité est néces-
sairement prise en compte, avec sa part
d’indétermination.
En d’autres mots, dans sa pratique, l’archi-
tecte paysagiste est appelé à développer
la sensibilité et l’humilité nécessaires pour
dessiner le paysage. Vraisemblablement, cet exercice intellectuel
nécessitant de se mettre à la place des acteurs du paysage et de
concilier les usages demande une grande écoute. L’architecte pay-
sagiste sait écouter : il le fait déjà en conjuguant les besoins privés,
publics, écologiques, fonctionnels et économiques. Mais il répond à
une commande. Il a trop souvent les mains liées par un contrat qui
l’incite à préférer les aspects économiques, fonctionnels et privés
du lieu.
Une reconsidération de l’aspect absolu du droit de propriété est
aujourd’hui nécessaire. La reconnaissance d’un droit au paysage
est pressante. L’architecte paysagiste doit avoir les prérogatives
nécessaires à sa mise en place. Pour la transition écologique. Pour
la survie de l’humanité. L’enjeu est grand.
↑ Rivière Magpie
Photo : Peter Holcomb
« Alors que l’architecte
paysagiste est plus qu’un banal
concepteur d’un lieu extérieur
défini, sa pratique consiste
principalement en l’établissement
d’un système voué à évoluer
et à vivre par lui-même, en
relation avec son environnement,
lui aussi amené à se transformer.
14
Paysages — No 18
Collaborer pour
s’adapter à un monde
en mutation
Alan DeSousa
Maire de Saint-Laurent
Alors que les dirigeants mondiaux se sont engagés à soutenir et à
financer des actions lors des récentes Conférences sur les Parties
(COP) sur les changements climatiques et la biodiversité, les
municipalités à l’échelle du pays sont déjà à l’œuvre pour réduire
leurs émissions de gaz à effet de serre, protéger leurs écosystèmes
et leur biodiversité, et construire des communautés résilientes.
Leadership municipal
Association des architectes paysagistes du Québec
15
Photo : Eric Carrière
15
Association des architectes paysagistes du Québec
↑ Bibliothèque du Boisé
Devant la Bibliothèque du Boisé,
quelque 5 000 arbustes et plantes
vivaces offrent un vaste choix aux
oiseaux et aux abeilles.
16
Paysages — No 18
Leadership municipal
Placés en première ligne, les dirigeants municipaux sont témoins de
phénomènes météorologiques extrêmes qui mettent leurs résidents
et résidentes en danger et compromettent la survie à long terme
de leurs communautés. Qu’il s’agisse de l’érosion du littoral, des
tempêtes aux Îles-de-la-Madeleine ou des inondations printanières
à Pierrefonds (Montréal), nos résidents et résidentes demeurent à la
merci de tout ce qui se profile à l’horizon. Trop souvent, ce sont les
plus vulnérables de nos communautés – les personnes âgées, les
défavorisés, les marginaux – qui sont les plus touchés.
Bénéficiant d’une grande proximité avec les personnes qu’ils
servent, les gouvernements municipaux sont bien placés pour trou-
ver des solutions novatrices aux défis auxquels les populations sont
confrontées et qui répondent aux besoins locaux. Malgré des res-
sources financières qui restent microscopiques comparées à celles
des autres ordres de gouvernement, les municipalités se surpassent
fréquemment dans leurs approches face à ces problèmes, s’effor-
çant de tirer le maximum de chaque dollar consenti pour obtenir des
résultats tangibles et rentables. Avec une barre encore très haute
et un long chemin à parcourir pour parvenir à des émissions nettes
de gaz à effet de serre (GES) nulles d’ici 2050, les municipalités ont
encore beaucoup de pain sur la planche.
En outre, nous avons l’obligation de rendre nos communautés rési-
lientes pour traverser les périodes de turbulences. Tant de choses
ont été faites, mais il reste encore énormément de travail à accomplir.
Les architectes paysagistes
En tant que professionnels, les architectes paysagistes ont com-
pris l’ampleur de la menace et la portée de l’urgence en matière de
climat et de biodiversité. Ils ont apporté des solutions innovantes
aux problèmes complexes auxquels nous sommes confrontés.
Leur engagement en faveur des communautés à faible émission
de carbone et à l’égard de la protection et de l’amélioration de nos
écosystèmes naturels et de la biodiversité apportera une contri-
bution importante à la prochaine étape de nos efforts collectifs.
Néanmoins, nous devrons tous améliorer nos performances pour
franchir la phase suivante de notre transition écologique.
Saint-Laurent
En tant que maire de Saint-Laurent, j’ai eu le privilège d’être le
témoin direct du talent remarquable, de l’expertise, de la créativité
et de l’innovation dont les architectes paysagistes font preuve. Je
l’ai constaté au cœur de nombreux projets phares réalisés dans ma
communauté, à Saint-Laurent, mais également par mon rôle et mes
responsabilités à la Ville de Montréal, où ils ont apporté une contri-
bution inestimable à plusieurs chantiers d’envergure.
Infrastructures
publiques résilientes
Avec les impacts des changements climatiques qui mettent à rude
épreuve les infrastructures publiques souterraines, nous devons
tous élargir notre perspective pour investir dans des moyens per-
mettant à nos infrastructures vertes de compléter nos infrastruc-
tures grises afin de fournir au mieux les services sur lesquels nos
communautés comptent. À Saint-Laurent, notre développement
résidentiel du secteur Bois-Franc a été conçu dans l’optique d’in-
tégrer les meilleures pratiques en matière de gestion des eaux
pluviales, de maximisation des espaces verts et des parcs, et de
construction de bâtiments durables. L’intégration de bassins de
biorétention dans l’aménagement paysager des parcs centraux
nous a permis de renforcer la résilience pour faire face à des pluies
plus fréquentes, plus intenses et plus abondantes sans dépasser
la capacité municipale existante en matière de gestion des eaux
pluviales.
Préoccupations concernant
les chaleurs extrêmes
Les changements climatiques entraîneront des phénomènes
extrêmes encore plus fréquents et intenses que les vagues de
chaleur que nous avons connues jusqu’à maintenant. La chaleur
extrême peut être mortelle pour les populations vulnérables telles
que les personnes âgées, en particulier dans les centres urbains, et
les stratégies visant à réduire les effets des canicules et des îlots de
chaleur urbains deviennent primordiales.
À Saint-Laurent, nous avons déployé une variété de mesures pour
renforcer la résilience envers les chaleurs extrêmes. Notre réglemen-
tation touchant les stationnements a été réécrite il y a plus de 10 ans
pour miser sur des matériaux perméables, des noues paysagères ou
des bassins de biorétention et un couvert végétal à 40 % de maturité.
De plus, nos règlements relatifs à l’installation et au remplacement de
revêtements de toiture sur un toit plat ou un toit à faible pente exigent
désormais l’installation de matériaux blancs. Nous avons également
ouvert la porte aux toits verts et aux panneaux solaires.
Preuve de sa volonté à contribuer à la lutte contre les changements
climatiques, le secteur privé nous a ensuite fait l’agréable surprise
d’innover en créant des jardins maraîchers et des serres sur des
toits de bâtiments commerciaux et industriels. La planification de la
plantation d’arbres à grand déploiement est une stratégie en cours à
Saint-Laurent dans les quartiers et dans les rues commerciales. Par
exemple, la conception d’aménagements paysagers augmentant
la canopée à 40 % a transformé l’une de nos artères commerciales
locales, le boulevard Décarie, avec, notamment, de larges trottoirs
conviviaux pour les piétons et piétonnes qui se sont révélés tout à fait
appropriés pour la distanciation sociale pendant la récente pandémie.
↑ Situé dans le secteur Bois-Franc, à Saint-Laurent,
le bassin de la Brunante représente l’intégration harmonieuse
d’un bassin de biorétention. / Photo : InterZONE Photographie
Association des architectes paysagistes du Québec
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Biodiversité
À Saint-Laurent, nous nous efforçons de protéger nos espaces
naturels, nos écosystèmes et notre biodiversité mais, plus impor-
tant encore, nous avons travaillé fort pour ramener la nature en
ville. Par des initiatives visant à soutenir les habitats et les espèces
végétales qui attirent et nourrissent les papillons, abeilles et autres
insectes pollinisateurs, Saint-Laurent a intégré ces écosystèmes à
son infrastructure naturelle.
À proximité du boisé protégé du parc Marcel-Laurin, la façade de
notre Bibliothèque du Boisé est agrémentée de plus de 5 000 arbustes
et plantes vivaces qui offrent refuge et nourriture aux oiseaux et aux
abeilles.
De même, en réaffectant un couloir de services hydroélectriques à
Saint-Laurent en un corridor de biodiversité, nous sommes en train
de transformer un paysage stérile en un réseau qui reliera entre eux
les espaces verts existants et en développement tout en créant un
corridor continu propice au transport et déplacement des orga-
nismes vivants. Ces exemples ne sont que quelques-uns des projets
que nous avons réalisés localement grâce au soutien et à la vision
mise de l’avant par les architectes paysagistes et que l’on retrouve
également dans d’autres villes et villages du Québec. Ce que nous
devons faire maintenant, c’est accélérer la cadence, reproduire ces
meilleures pratiques à différentes échelles (locale, régionale, etc.) et
ainsi les rendre accessibles à toutes les communautés.
L’heure est venue d’agir
Soutenue par un financement de 1,6 milliard de dollars qui consti-
tue une bonne première étape, la Stratégie nationale d’adaptation
du Canada lancée par le gouvernement fédéral en novembre 2022
donnera l’occasion aux municipalités de s’adapter aux conditions
climatiques changeantes. L’objectif étant d’accroître la résilience,
la transformation et la durabilité de nos collectivités, je reste tou-
tefois convaincu que des fonds beaucoup plus importants seront
nécessaires dans les années à venir. La stratégie ouvre ainsi la
porte aux solutions qui s’appuient sur la nature et sont essentielles
pour contribuer à l’élimination nette des émissions d’ici 2050, à la
conservation de la biodiversité et à l’amélioration de la santé et du
bien-être de nos communautés.
Avant de conclure, permettez-moi de citer la présidente de la
Fédération internationale des architectes paysagistes, madame
Kathryn Moore, qui, en juin 2018, a déclaré : « Lorsque les architectes
paysagistes sont employés de manière appropriée au début du pro-
cessus de planification, le développement est en mesure d’obtenir
un bien meilleur retour sur investissement. Mais, de manière plus
significative, correctement soutenus par des clients et des systèmes
éclairés, les architectes paysagistes peuvent assurer le développe-
ment de villes, d’espaces urbains, de systèmes de transport, de parcs
et de places plus durables et résilients, ainsi que de solutions tou-
chant l’agriculture, la sylviculture et les systèmes d’énergie et d’eau,
en plus de contribuer à créer un plus grand sentiment d’appartenance
envers un lieu et une communauté. Tout cela est essentiel à la santé,
à la richesse et au bien-être des communautés dans chaque pays. »
En terminant, j’estime que la volonté politique est bien présente
pour relever les défis auxquels les municipalités sont confrontées,
que ce soit pour faire face aux impacts des
changements climatiques et de la perte de
biodiversité ou pour construire des com-
munautés résilientes. Et, surtout, je suis
convaincu que les architectes paysa-
gistes peuvent jouer un rôle encore plus
important sur ce plan à l’avenir. Je vous
invite ainsi toutes et tous à accompagner
les villes et les communautés dans cette
voie en étant proactifs et en n’hésitant pas à
aller au-delà des mandats pour sensibiliser
vos clients et clientes aux enjeux actuels et
leur proposer des solutions innovantes et
durables axées sur les objectifs décrits plus
haut. Par votre précieuse expertise, vous
représentez une force incontournable dans
cette lutte qui nous concerne toutes et tous !
→ Corridor biodiversité, boul. Cavendish
(après) Photo : Arrondissement
de Saint-Laurent
« Les architectes paysagistes
étant des experts et des expertes
en solutions qui s’appuient sur
la nature, ce financement de
1,6 milliard de dollars constitue
une occasion qu’ils et elles
peuvent – et doivent – saisir
pour accélérer l’implantation
de systèmes en faveur d’une
transition écologique.
18
Paysages — No 18
Iseult Séguin-Aubé
Architecte paysagiste
La Convention relative aux droits de l’enfant est venue enchâsser,
au sein du droit international, la nécessité de tenir compte de l’avis
des enfants sur les situations pouvant exercer une influence sur leur
vie; de plus, elle souligne leur droit à l’expression dans le domaine
public2 et s’applique en conséquence tant aux adolescents qu’aux
enfants de plus bas âge. Il importe ici de souligner que le Canada
reconnaît le statut d’enfant aux individus de moins de 18 ans.
Le droit à la participation en ce qui concerne les décisions prises
en aménagement est implicite au sein de la Convention relative aux
droits de l’enfant. La communauté internationale a toutefois for-
mulé des objectifs explicites à cet égard depuis le milieu des années
1990. Elle s’est en effet ralliée à l’idée selon laquelle il est essentiel
de « prêter une attention particulière aux processus participatifs qui
contribuent à façonner les villes, les bourgs et les quartiers, ceci afin
d’assurer de bonnes conditions de vie aux enfants et aux jeunes, et
de tirer parti de leurs idées, de leur imagination et de leurs réflexions
sur l’environnement3 ». On reconnaît ainsi une valeur spécifique à
la participation des enfants et des adolescents à l’aménagement.
Participation et changements climatiques :
au-delà de la vulnérabilité
Alors que les enfants présentent de fortes vulnérabilités aux effets
des changements climatiques4, il semble d’autant plus important de
réfléchir aux moyens d’assurer leur implication active à la recherche
de solutions visant la création de villes résilientes. Ceci est d’ailleurs
souligné dans la Déclaration en faveur des enfants, des jeunes et de
l’action pour le climat, élaborée en 2019 en marge de la COP255.
Cette déclaration relève la contribution à la résilience des com-
munautés par des actions visant à renforcer le pouvoir d’agir des
enfants et des jeunes. Tout en soulignant les risques posés au bien-
être des enfants par la crise climatique, cette déclaration fait ressor-
tir leur statut d’acteur social à part entière. Ainsi, on ne les restreint
pas à un rôle de victime à protéger et on leur reconnaît la capacité
de contribuer activement à l’atténuation et à l’adaptation.
Cette conception de l’enfance s’éloigne des tendances observées
au sein de la recherche comme des politiques publiques qui peinent
à reconnaitre le potentiel inhérent à la participation des enfants et
adolescents à la gestion de cette crise6. Les architectes paysagistes
peuvent contribuer à l’inversion de cette tendance en démontrant,
par la pratique, les retombées positives pouvant découler des pro-
jets de paysage inclusifs.
Architecture de paysage et résilience
Le paysage, dans sa matérialité, fait partie intégrante de la solution
en matière d’atténuation des changements climatiques et d’adap-
tation à ces changements, et les architectes paysagistes jouent un
rôle actif à cet égard. De la gestion des eaux pluviales à la réduction
des risques liés aux événements de chaleur extrême, les projets
L’intérêt pour la participation des enfants en aménagement
repose sur une mouvance présente dès les années 1960,
prenant notamment appui sur les travaux menés par Kevin
Lynch dans le cadre du programme Grandir en ville1.
La participation
des enfants
en aménagement :
un droit à valoriser
Participation publique
Association des architectes paysagistes du Québec
19
Des expériences ont été menées afin d’inclure les enfants
et adolescents dans la conception d’espaces publics.
L’analyse de ces démarches démontre la grande créati-
vité dont ils peuvent faire preuve. De plus, elle illustre leur
capacité à dialoguer de façon à obtenir des consensus
ainsi qu’à prendre en compte les besoins d’une diversité
de groupes12.
Dans le cadre de telles démarches, les adultes sont appelés
à jouer un rôle de facilitation et d’accompagnement permet-
tant aux participants d’acquérir des compétences en design
et en communication. Ce type de processus de conception
collaborative est reconnu pour favoriser un fort sentiment
d’appartenance aux aménagements qui en découlent. Ceci
peut être mis à profit de manière à favoriser la diffusion de
l’information au sein des communautés, permettant à un
plus grand nombre d’individus de se familiariser avec les
ressources présentes au sein de leur milieu de vie.
Selon l’âge des enfants, différentes tâches peuvent leur être
confiées lors de la phase de mise en œuvre du projet de pay-
sage. De la plantation d’arbres à la construction de bacs de
plantation pour l’agriculture urbaine, divers gestes peuvent
être posés, renforçant d’autant plus le sentiment d’apparte-
nance mentionné précédemment.
L’attachement au lieu ressenti par les personnes ayant
contribué à la création d’aménagements permet de favoriser
le respect des infrastructures et de susciter l’intérêt pour la
contribution à l’entretien de ces espaces. Par exemple, les
jeunes peuvent participer à des corvées de nettoyage, de
peinture et de réparation, ou encore être appelés à parti-
ciper de façon plus régulière au désherbage et à l’arrosage
des végétaux. On connaît bien la grande vulnérabilité des
nouvelles plantations, en particulier lors des périodes de
chaleur accablante. La survie des végétaux peut toutefois
être améliorée lorsque des personnes se sentent investies
d’une certaine responsabilité à l’égard de leur santé. Les
enfants peuvent apporter une aide en ce sens par leurs
actions en matière d’entretien et par leur contribution à la
conscientisation des adultes de leur entourage.
Il est possible de constater l’existence d’une grande diver-
sité de bienfaits pouvant découler de l’inclusion des enfants
et adolescents lors des différentes étapes des projets de
paysage. Afin de mener à bien de telles démarches, les res-
sources nécessaires doivent toutefois être consenties par
les donneurs d’ouvrage. Pour ce faire, la valeur de ces pro-
cessus participatifs doit être reconnue. Les architectes pay-
sagistes ont ici un rôle essentiel à jouer afin de convaincre
les décideurs de l’importance de ces démarches pour
s’adapter aux changements climatiques et les atténuer.
de paysage peuvent favoriser la résilience des communautés. Il n’y
a toutefois pas que la dimension matérielle des paysages qui puisse
être mise à profit pour apporter une contribution en ce sens. La prise
en compte des dimensions intangibles du paysage, tant culturelles
que sociales et politiques, est essentielle. La résilience des commu-
nautés repose sur les capacités individuelles et collectives à faire face
aux transformations et à l’instabilité, ce qui passe par l’acquisition de
nouvelles connaissances et compétences qui peuvent par la suite être
transposées en actions concrètes7. Le paysage possède un potentiel
didactique à valoriser afin de relever ce défi colossal. L’implication des
jeunes de tout âge au sein des projets de paysage peut accroître leur
résilience ainsi que celle de la société. Ceci permet notamment d’aug-
menter leur estime de soi, de favoriser leur sentiment d’appartenance
à leur communauté et de renforcer leur pouvoir d’agir8. Comme nous
le verrons, chaque étape du projet de paysage constitue de fait une
occasion à saisir en mettant de l’avant des processus participatifs
inclusifs favorables aux enfants et adolescents.
En étapes
Les environnements qui sont explorés durant la petite
enfance sont contrôlés par les adultes qui encadrent les
déplacements et régissent les moments d’interaction avec
des tiers dans le domaine public9. En vieillissant, les enfants
ont généralement accès à une plus grande diversité d’es-
paces alors qu’ils acquièrent une certaine autonomie de
mouvement. Cette liberté est néanmoins modulée par dif-
férents facteurs sociaux, culturels et environnementaux. Les
enfants appréhendent le paysage de manière multisenso-
rielle en s’appuyant sur leurs expériences. Ainsi, bien que
les experts et les enfants puissent porter de l’intérêt aux
mêmes paysages, les valeurs sous-tendant l’importance
qui leur est accordée tendront à être différentes10. Dans
la recherche comme dans la pratique, on offre rarement
l’occasion aux enfants d’agir en tant qu’évaluateurs des pay-
sages. En ne s’intéressant pas à leurs valeurs paysagères,
on se retrouve avec un déficit de connaissances à même de
façonner l’aménagement de milieux de vie résilients contri-
buant à leur bien-être.
Divers outils peuvent favoriser l’acquisition d’une compré-
hension adéquate des besoins et motivations sous-ten-
dant l’utilisation des espaces publics par les enfants. Ces
démarches peuvent également engendrer des retombées
positives pour les participants, sur le plan tant psycholo-
gique que social. Pensons ici à la méthode Photovoice, qui
est régulièrement utilisée en santé publique, ou encore à la
cartographie participative, qui peut prendre une multitude
de formes de manière à s’adapter aux besoins et compé-
tences des jeunes d’âge différents. Les expériences menées
par l’organisme Growing Up Boulder sont particulièrement
intéressantes à cet égard11.
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bit.ly/41gEPOd
Acquisition de connaissances
Conception
Mise en œuvre
Gestion et entretien
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Paysages — No 18
Photo : Mathieu Sparks (Ville de Montréal)