Paysages No 18- 2023 Paysages et transition écologique

Revue Paysages No 18- 2023 Paysages et transition écologique Association des architectes paysagistes du Québec

LA REVUE ANNUELLE DE L’ASSOCIATION

DES ARCHITECTES PAYSAGISTES DU QUÉBEC

N°18

Paysages

et transition

écologique

Paysages — No 18

cyclonelighting.com

Jacinthe Dandurand

Conseillère en éclairage

514-943-9604

jdandurand@cyclonelighting.com

Tribeca

Raffiné. Sculptural. Tendance.

Luminaire haute performance contemporain

DÉCOUVRIR

TRIBECA

2175, Boulevard des Entreprises

Terrebonne, QC J6Y 1W9

Association des architectes paysagistes du Québec

Découvrez la gamme

Natureau pour la gestion

des eaux pluviales

Formations offertes

Contactez Émilie Chagnon, agronome

emiliechagnon@savaria.ca

514-977-5147 savaria.ca

Paysages — No 18

En savoir plus www.hubss.com

(416) 540-9287

mail hubss.com

avec la technologie "Invisible Shade™"

Les revêtements StreetBondSR™ LEED®

Les revêtements StreetBondSR™ LEED® avec la technologie ‘'Invisible Shade™’' ont des

caractéristiques de réflexion solaire qui réduisent l'effet d'îlot de chaleur urbain en minimisant la

quantité d'énergie solaire absorbée par les surfaces en asphalte telles que les stationnements et les

aires de jeux. La réduction de l'effet d'îlot de chaleur aide à minimiser l'impact sur le microclimat grâce

à l'utilisation d'un matériel de revêtement d’asphalte à haute réflectance solaire et peut contribuer aux

projets de crédits LEED®.

Le béton bitumineux est l'une des principales causes de l'effet d'îlot de chaleur en milieu urbain,

contribuant à environ 30 à 40 % de l'empreinte urbaine. La réduction de l'effet d'îlot de chaleur réduit

la consommation d'énergie et peut réduire les factures de climatisation jusqu'à 33 %, sans oublier que

des chaussées plus fraîches signi(ent également des chaussées plus sûres et plus confortables.

Thermo-design Inc. — Québec, Canada

7

Mot de la présidente

10 Collaboration

12 La reconnaissance d’un droit

au paysage au Québec :

une nécessité

VINCENT BILODEAU

14 Collaborer pour s’adapter

à un monde en mutation

ALAN DESOUSA

18 La participation des enfants

en aménagement :

un droit à valoriser

ISEULT SÉGUIN-AUBÉ

20 Passer du rêve au REV :

la réalisation d’un premier axe

nord-sud du Réseau express

vélo de Montréal

ISABELLE GUY et CATHERINE TURCOT

24 Le changement

de paradigme des parcs

JONATHAN CHA et ANTOINE HÉNAULT

28 (Re)penser au lieu de compenser

MÉLANIE GLORIEUX

30 Le paysage comme laboratoire

vivant : de l’importance du suivi,

de l’observation et des soins actifs

PATRICIA LUSSIER

36 Les boisés urbains comme alliés

de la transition écologique

JULIE ST-ARNAULT et MIRA HAIDAR

39 Le corridor écologique

du grand Sud-Ouest

ANNE AUBIN

44 Le gazon et le « sauvage »

GENEVIÈVE DEPELTEAU

49 Le stationnement

écoresponsable comme levier

de la transition écologique

ROMAIN COSTE

52 Le parc inondable Tesasini – ZIBI

CHRISTIAN MATTEAU

56 Renouveler la fonction productive

des terres agricoles

KARL GAUTHIER, FLORENCE HARVEY

et FRÉDÉRIQUE ST-ARNAUD

85 Mot de la directrice générale

86 Conseil et comités AAPQ

87 Activités 2022

91 Nouveaux membres 2022

92 Lauréats 2022

98 Répertoire des bureaux 2023

PAYSAGES ET TRANSITION ÉCOLOGIQUE

RÉPERTOIRE

DES ANNONCEURS

NOUVELLES

DE L’ASSOCIATION

Pages 7 — 59

Éditeur

Association des architectes

paysagistes du Québec

420, rue McGill, bureau 406

Montréal (Québec) H2Y 2G1

Direction éditoriale

Catherine Fernet

Julie St-Arnault

Louise Vachon

Coordination

Christine Lessard

Louise Vachon

Révision des textes

Sylvie Lemay

Direction artistique

et design graphique

Le Séisme

Page couverture

Romain Lasser

Impression

Héon et Nadeau

Publicité

info@aapq.org

Écrivez-nous !

Recevoir vos commentaires, questions

et suggestions est toujours un privilège.

→ info@aapq.org

→ facebook.com/pageaapq

Tous droits réservés

ISSN 1911-8554

Reproduction interdite sans l’autorisation

de l’AAPQ. PAYSAGES, la revue annuelle

de l’Association des architectes paysagistes

du Québec, est publiée une fois par année.

La publication dans ses pages d’annonces

de type publireportage et de publicités

ne signifie pas que l’AAPQ recommande

ces produits et/ou services. Les opinions

et idées contenues dans les articles

n’engagent la responsabilité que de leurs

autrices et auteurs.

La couverture est imprimée sur du papier

Rolland Opaque blanc MC 200M – 30 %

recyclé postconsommation, certifié FSC®.

Les pages intérieures sont imprimées sur

du papier Enviro 100 satin texte blanc

140M – 100 % recyclé postconsommation,

certifié FSC®.

Association des architectes paysagistes du Québec

Pages 60 — 81

Pages 82 — 100

Paysages — No 18

INSPIRER L’ART DANS L’AMÉNAGEMENT PAYSAGER

CONCEPTION : GROUPE BC2 ET CIMA+

PARC FRÉDÉRIC-BACK, MONTRÉAL

Réflexion écologique, projet vert, prise de conscience de nos environnements vivants.

ROCVALE, UN PARTENAIRE DE CHOIX POUR VOS RÉFLEXIONS ENVIRONNEMENTALES

Offre de produits durables et esthétiques, répondant aux normes de réflectance solaire, vaste gamme de produits perméables, couleurs sur

mesure et points Leed accordés.

Association des architectes paysagistes du Québec

C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous vous présentons l’édition

2023 de la revue PAYSAGES. Au nom de l’équipe, je remercie sincèrement

toutes les personnes qui ont pris le temps de nous soumettre leur texte.

Il est vrai que le thème de cette année, la transition écologique, nous inter-

pelle particulièrement comme professionnels, sans doute parce qu’il prône

des valeurs chères à notre communauté, comme l’équilibre nature et envi-

ronnement urbain et la création de lieux écologiquement fonctionnels,

pour ne nommer que ceux-là, et aussi parce que nous avons l’impression

de jouer un rôle prépondérant dans sa mise en œuvre.

En effet, la transition écologique met à profit nos compétences par l’im-

plantation du transport actif dans nos communautés, par l’intégration de

végétaux adaptés pour contrer l’érosion et la sécheresse, par la réhabili-

tation de sites ayant subi de lourdes transformations et par la valorisation

d’une biodiversité locale, biodiversité d’ailleurs mise de l’avant durant les

événements de la COP15 à Montréal à la fin de la dernière année, qui a su

mobiliser des acteurs de toutes parts. Nous avons pu constater que faire

valoir la juste place de la végétation dans nos projets n’est pas toujours

facile. Bien qu’elle prenne en compte l’atténuation de certains problèmes

soulevés par les changements climatiques, elle nous confronte à toutes

sortes de freins quant à son insertion. Dans certaines situations, notre

rôle nous amène davantage à sensibiliser les gens ou à leur communiquer

les meilleures pratiques environnementales avant de pouvoir passer aux

étapes plus concrètes d’avancement d’un projet.

Au fil du temps, l’expertise que nous avons développée en matière de trans-

formation et d’adaptation de nos villes nous place actuellement dans une

position de leader au sein de nos équipes de travail. Vous le verrez en lisant

nos rédacteurs : la diversité des gestes qu’ils posent pour accélérer cette

transition va bien au-delà de la valeur écologique ajoutée. On peut consta-

ter que des environnements plus verts présentent de multiples attraits, que

des lieux de socialisation riches favorisent le maintien d’une bonne santé

physique et psychologique. Les aménagements intelligents, équilibrés,

sensibles aux besoins exprimés par le milieu visent avant tout à faire évoluer

nos modes de vie et contribuent de façon significative au renforcement et

à la résilience de nos communautés.

Chers/chères collègues et ami(e)s, je vous souhaite une bonne lecture et

une belle année au cœur de la transition écologique !

Mot de la présidente de l’AAPQ

Adapter

nos paysages

Catherine Fernet

Paysages — No 18

Association des architectes paysagistes du Québec

Paysages

et transition

écologique

10

Paysages — No 18

Alan DeSousa, FCPA

Président du conseil du Fonds municipal vert et maire

de Saint-Laurent, Alan DeSousa assure une présence

active à tous les niveaux du monde municipal

depuis plus de 30 ans. Les nombreuses politiques

et réglementations en développement durable qu’il

a implantées lui ont valu diverses récompenses à

l’échelle provinciale et nationale.

Geneviève Depelteau

Geneviève Depelteau est une architecte paysagiste

qui œuvre au sein de l’Enclume, une coopérative de

travail en aménagement qui préconise des projets

contribuant à la vitalité du territoire et à la qualité de

vie des citoyens. Au sein de son entreprise, l’Enclume

encourage la création de projets endogènes.

Nouveaux Voisins est l’exemple d’un projet qui vole

dorénavant de ses propres ailes.

Isabelle Guy

Architecte paysagiste à la Ville de Montréal, Isabelle

se spécialise, depuis plusieurs années, dans

l’aménagement des rues. Elle est passionnée par le

repartage de la rue au profit des déplacements actifs

et collectifs afin de la rendre accessible, attrayante et

sécurisante pour toutes et tous, en toutes saisons.

Jonathan Cha

Docteur en aménagement de l’espace et urbanisme,

urbanologue, architecte paysagiste et chef d’équipe

en aménagement et conservation au parc Jean-

Drapeau, où il travaille à la mise œuvre du Plan

directeur de conservation, d’aménagement et de

développement 2020-2030.

Mélanie Glorieux

Mélanie Glorieux est titulaire d’une maîtrise en génie

de l’environnement et exerce son métier d’architecte

paysagiste en privé depuis plus de 25 ans. Son

expertise dans la conception de projets intégrant les

infrastructures vertes et les phytotechnologies s’inscrit

dans son souci de protection des milieux naturels.

En tant que première professionnelle certifiée SITES AP

au Canada, elle mise sur la régénération des sites pour

assurer le rendement des services écosystémiques.

Mélanie est actuellement directrice de projet et associée

chez Rousseau Lefebvre.

Romain Coste

Romain Coste est détenteur d’un baccalauréat en

urbanisme. En tant que coordonnateur Transport

et urbanisme au Conseil régional de l’environnement

de Montréal, il accompagne les propriétaires, les

gestionnaires, les promoteurs, les firmes et les

municipalités dans la gestion, l’aménagement et

la réglementation écoresponsables des aires de

stationnement.

Vincent Bilodeau

Diplômé en architecture de paysage, Vincent Bilodeau

a travaillé chez NIPPAYSAGE avant de poursuivre des

études en droit, où il s’intéresse principalement au

droit de l’environnement. Il collabore également avec

le Centre québécois du droit de l’environnement et le

Conseil régional en environnement de Laval dans le

cadre d’un projet pro bono.

Anne Aubin

Dans un parcours mixte entre le privé et le public,

Anne Aubin, architecte paysagiste, contribue à la

biodiversité par un design intégré et durable. Sensible

à la nature, elle cherche à la mettre en valeur dans

les milieux de vie. Ses espaces nous invitent à lâcher

prise et à contempler.

Karl Gauthier

Titulaire d’un baccalauréat en urbanisme de

­l’Université de Montréal et d’une maîtrise en sciences

appliquées, Karl a développé un intérêt marqué pour

les problèmes liés au grand paysage, à l’aménagement

du territoire et à la mise en valeur de son patrimoine.

Il a travaillé sur la question des outils de protection et

de mise en valeur des paysages et de l’environnement.

Florence Harvey

Après des études en sociologie et en anthropologie,

Florence s’est réorientée vers l’architecture de

paysage puisqu’elle souhaitait trouver un heureux

équilibre entre intellect et création. Elle utilise

toujours ce bagage aujourd’hui pour marier design

et analyse, ce qui lui permet de présenter des

propositions adaptées au contexte auquel elles

s’appliquent.

Association des architectes paysagistes du Québec

11

Catherine Turcot

Ingénieure à la Ville de Montréal depuis 2019,

Catherine conçoit des infrastructures cyclables afin

de faire du vélo un moyen de transport accessible

et attrayant pour tous les groupes de population,

en particulier les enfants. Elle s’intéresse à la

transformation de la rue et considère qu’elle participe

grandement à la vie urbaine.

Iseult Séguin Aubé

Iseult Séguin Aubé est titulaire d’une maîtrise en

architecture de paysage et candidate au doctorat

interdisciplinaire en aménagement à l’Université de

Montréal, où elle agit à titre de chargée de cours.

Elle s’intéresse à l’interface entre la justice et le

paysage, ainsi qu’à l’apport de la nature au bien-être

psychologique.

Antoine Hénault

Titulaire d’un baccalauréat en écologie et d’une

maîtrise en sciences biologiques sur les communau-

tés microbiennes des toits verts, Antoine agit à titre

de conseiller en écologie au sein de la Société du parc

Jean-Drapeau.

Patricia Lussier

Patricia Lussier est architecte paysagiste associée

chez Lemay. Elle compte plus de 20 ans d’expérience

dans le développement d’espaces publics. L’activation

de l’espace public, le maillage avec le tissu urbain

et l’intégration de solutions innovantes pour assurer

la résilience des lieux identitaires constituent les

fondements créatifs de ses paysages. Sa démarche

l’a amenée à participer à divers projets et concours

pluridisciplinaires dont plusieurs ont obtenu de

nombreux prix d’excellence.

Julie St-Arnault

Julie St-Arnault est cofondatrice et associée

principale chez Vlan, où elle agit à titre de directrice

de projet. Elle œuvre fréquemment au sein d’équipes

multidisciplinaires qui regroupent plusieurs interve-

nants, agissant comme coordonnatrice de groupe

et directrice du volet paysage. Elle est diplômée de

l’Université de Montréal en architecture de paysage.

Mira Haidar

Titulaire d’une maîtrise en aménagement, option

conservation du patrimoine bâti, et d’une maîtrise

en architecture de paysage (MAP) de l’Université de

Montréal, Mira est architecte paysagiste intermédiaire

chez Vlan. De plus, elle donne régulièrement des

cours dans le cadre des ateliers en architecture de

paysage à l’École d’urbanisme et d’architecture de

paysage de l’Université de Montréal.

Romain Lasser

Romain Lasser est un illustrateur de Montréal

évoluant dans les domaines variés de l’éditorial, du

branding (microbrasseries) aux affiches de festival,

en passant par l’édition et la publicité. Son style très

coloré met l’emphase sur le concept et les émotions

tout en gardant une touche graphique et épurée.

Christian Matteau

Christian Matteau est diplômé (1994) de la Faculté

d’aménagement de l’Université de Montréal.

Architecte paysagiste et directeur principal de projets

chez CSW, il œuvre pour la transformation des

espaces naturels et urbains autour d’une approche

durable de l’urbanisme. Il intègre en amont de sa

réflexion les principes permettant de consolider les

trames vertes et bleues en milieu urbain.

Frédérique St-Arnaud

Dans sa pratique, Frédérique s’intéresse aux

préoccupations sociales liées à la question de la

préservation du patrimoine paysager et au processus

de consultation dans les projets d’aménagement.

Elle a collaboré à l’idéation et à la réalisation de

consultations publiques portant sur des dossiers

d’envergure tels que le réaménagement de certains

sites exceptionnels d’intérêt patrimonial.

Collaboration

12

Paysages — No 18

Cette notion de propriété est bien ancrée dans notre mode d’habiter

le territoire, qui se manifeste quotidiennement par l’expression « être

maître chez soi ». Si cette pensée qui reflétait son état juridique

est toujours très répandue au sein de la population québécoise,

la situation juridique a évolué pour faire place à une notion de pro-

priété privée qui peut s’exprimer simplement par le fait qu’elle évalue

désormais l’étendue du droit de propriété selon une prépondérance

des valeurs collectives et privées. Olmsted prédisait :

« Si le gouvernement ne prend aucune mesure pour soustraire ces

lieux à l’emprise des particuliers, tous les paysages propices au

repos de l’esprit et du corps seront bientôt inaccessibles à la plus

grande partie de la population. De la même façon qu’il faut protéger

les cours d’eau contre les appropriations privées et protéger leur

utilisation à des fins de navigation ou autres, il importe que des

parties du paysage naturel soient préservées et entretenues par les

autorités publiques1. »

D’un droit de propriété considéré absolu hérité du droit français,

au Québec, l’évolution des contextes économique, social et idéo-

logique ont amené une transformation du caractère de ce droit.

Certes, la propriété est une valeur universellement reconnue dans

notre société québécoise, mais cette société a évolué pour devenir

de plus en plus complexe. Dans cette « complexe-cité », les compro-

mis propres au vivre-ensemble doivent avoir préséance sur le libre

marché afin d’assurer la cohésion sociale. La propriété ne peut plus

être considérée comme un droit individuel : elle doit être abordée

selon ses usages et populations. La Cour suprême a reconnu en

2008, dans un jugement historique2, l’existence d’un régime de res-

ponsabilité civile sans faute en matière d’exercice dommageable du

droit de propriété. N’y a-t-il pas là la prémisse d’une reconnaissance

d’un droit au paysage au Québec ?

S’interroger sur la reconnaissance d’un droit au paysage nécessite

d’abord de s’intéresser au sens du terme « paysage » dans le cadre

législatif. Sans surprise, il n’existe pas de définition uniforme dans

la législation en vigueur au Québec. La Convention européenne

du paysage, dès l’année 2000, proposait cependant la définition

suivante : « partie de territoire, telle que perçue par les habitants

du lieu ou les visiteurs, qui évolue dans le temps sous l’effet des

forces naturelles et de l’action des êtres humains3 ». Cette définition

empreinte de lucidité est répandue et acceptée, et gagnerait à être

intégrée dans la législation québécoise. C’est sur celle-ci que nous

allons nous baser dans ce texte.

La Convention européenne du paysage nous apprend que le paysage

n’est pas fixe dans le temps, qu’il est intrinsèquement lié à la percep-

tion que la population peut en avoir et qu’il peut être lié à des facteurs

humains, naturels ou à une combinaison des deux. En d’autres mots,

le paysage nous entoure. Il existe et s’impose dans tous les milieux.

Fleuve, gratte-ciel, quartier résidentiel, forêt, autoroute, communauté

autochtone, village, etc., forment et subissent le paysage.

La reconnaissance

d’un droit au paysage

au Québec :

une nécessité

On parle de plus en plus de la difficulté de l’accès à la propriété

privée, soutenant qu’il est essentiel que le gouvernement légifère

rapidement afin de réguler le marché et favorise l’accès à la propriété,

en particulier pour de premiers acheteurs.

Vincent Bilodeau

Architecte paysagiste et étudiant

au baccalauréat en droit

Éthique et paysage

Association des architectes paysagistes du Québec

13

Accédez aux références de cet article :

bit.ly/3IQnWCO

Un droit au paysage ne porterait donc pas uniquement sur la

question de permettre son accès, visuel ou physique, mais plu-

tôt sur sa qualité, une qualité à laquelle chacun participe et que

tous subissent. Le droit au paysage se présente alors comme étant

le droit d’exister au sein de paysages de qualité, une qualité, rap-

pelons-le, relative selon sa perception par la communauté. Deux

paysages de qualité peuvent l’être pour des motifs distincts, voire

diamétralement opposés : patrimonial, écologique, économique,

social ou un amalgame de plusieurs de ces motifs.

Certes, le cadre législatif québécois reconnaît actuellement la

valeur de certains paysages de qualité jugée exceptionnelle, mais

ces qualifications s’inscrivent souvent dans une approche spé-

cifique de conservation de leur caractère visuel et non dans une

perspective transdisciplinaire générale. Le droit au paysage rejoin-

drait plutôt, à plusieurs égards, le respect des droits humains. Une

résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en

juillet dernier déclarait que l’accès à un environnement propre, sain

et durable est un droit humain universel. Dans ce contexte, le droit

au paysage doit prendre en considération le champ de la justice

spatiale et les droits des générations futures.

Et si le milieu lui-même avait une voix ? Des droits qui dépassent les

besoins humains pourraient-ils être accordés à des composantes

naturelles ? Notons que de nombreuses fictions juridiques en ce

sens ont déjà vu le jour – l’idée n’est pas si farfelue. La cause ani-

male en est un exemple frappant. L’idée que des animaux puissent

posséder des droits et être protégés était inédite il y a seulement

quelques décennies. Cette nécessité est bien reconnue de nos

jours. Mais protéger les espèces n’est pas suffisant : il faut y inclure

leur environnement et les relations qui créent leur habitat. En ce

sens, de nouvelles pratiques émergent alors que certains juristes

prônent la reconnaissance de droits pour la nature. Issus de ce pos-

tulat, certains milieux – rivières, tourbières, bassins versants, landes,

forêts – deviennent des sujets de droit, délégataires représentés par

des délégués humains. Le premier et le seul exemple au Canada est

la rivière Magpie, qui s’est vu octroyer la personnalité juridique en

février 2021. Le droit au paysage doit également en prendre acte. Les

milieux eux-mêmes peuvent et doivent avoir une voix.

De cette fiction juridique, il ressort que le droit au paysage doit

être holistique. À la fois la nature, les personnes, les entreprises et

les animaux participent au paysage et devraient ainsi être consi-

dérés par un tel droit collectif. Difficile d’imaginer cependant une

table de gouvernance où loup, humain,

forêt et société acéricole collaborent. C’est

alors que l’architecte paysagiste s’impose

comme étant professionnellement désigné

pour coordonner une transition écologique

qui passe par la reconnaissance de ce droit

au paysage. L’architecte paysagiste, d’abord

parce qu’il comprend ce qu’est le paysage,

sait que l’esprit de chaque lieu lui est singu-

lier et qu’il doit être abordé avec les acteurs

et professionnels concernés. C’est d’ailleurs

le propre de l’architecte paysagiste de créer

un milieu de vie où la temporalité est néces-

sairement prise en compte, avec sa part

d’indétermination.

En d’autres mots, dans sa pratique, l’archi-

tecte paysagiste est appelé à développer

la sensibilité et l’humilité nécessaires pour

dessiner le paysage. Vraisemblablement, cet exercice intellectuel

nécessitant de se mettre à la place des acteurs du paysage et de

concilier les usages demande une grande écoute. L’architecte pay-

sagiste sait écouter : il le fait déjà en conjuguant les besoins privés,

publics, écologiques, fonctionnels et économiques. Mais il répond à

une commande. Il a trop souvent les mains liées par un contrat qui

l’incite à préférer les aspects économiques, fonctionnels et privés

du lieu.

Une reconsidération de l’aspect absolu du droit de propriété est

aujourd’hui nécessaire. La reconnaissance d’un droit au paysage

est pressante. L’architecte paysagiste doit avoir les prérogatives

nécessaires à sa mise en place. Pour la transition écologique. Pour

la survie de l’humanité. L’enjeu est grand.

↑ Rivière Magpie

Photo : Peter Holcomb

«  Alors que l’architecte

paysagiste est plus qu’un banal

concepteur d’un lieu extérieur

défini, sa pratique consiste

principalement en l’établissement

d’un système voué à évoluer

et à vivre par lui-même, en

relation avec son environnement,

lui aussi amené à se transformer.

14

Paysages — No 18

Collaborer pour

s’adapter à un monde

en mutation

Alan DeSousa

Maire de Saint-Laurent

Alors que les dirigeants mondiaux se sont engagés à soutenir et à

financer des actions lors des récentes Conférences sur les Parties

(COP) sur les changements climatiques et la biodiversité, les

municipalités à l’échelle du pays sont déjà à l’œuvre pour réduire

leurs émissions de gaz à effet de serre, protéger leurs écosystèmes

et leur biodiversité, et construire des communautés résilientes.

Leadership municipal

Association des architectes paysagistes du Québec

15

Photo : Eric Carrière

15

Association des architectes paysagistes du Québec

↑ Bibliothèque du Boisé

Devant la Bibliothèque du Boisé,

quelque 5 000 arbustes et plantes

vivaces offrent un vaste choix aux

oiseaux et aux abeilles.

16

Paysages — No 18

Leadership municipal

Placés en première ligne, les dirigeants municipaux sont témoins de

phénomènes météorologiques extrêmes qui mettent leurs résidents

et résidentes en danger et compromettent la survie à long terme

de leurs communautés. Qu’il s’agisse de l’érosion du littoral, des

tempêtes aux Îles-de-la-Madeleine ou des inondations printanières

à Pierrefonds (Montréal), nos résidents et résidentes demeurent à la

merci de tout ce qui se profile à l’horizon. Trop souvent, ce sont les

plus vulnérables de nos communautés – les personnes âgées, les

défavorisés, les marginaux – qui sont les plus touchés.

Bénéficiant d’une grande proximité avec les personnes qu’ils

servent, les gouvernements municipaux sont bien placés pour trou-

ver des solutions novatrices aux défis auxquels les populations sont

confrontées et qui répondent aux besoins locaux. Malgré des res-

sources financières qui restent microscopiques comparées à celles

des autres ordres de gouvernement, les municipalités se surpassent

fréquemment dans leurs approches face à ces problèmes, s’effor-

çant de tirer le maximum de chaque dollar consenti pour obtenir des

résultats tangibles et rentables. Avec une barre encore très haute

et un long chemin à parcourir pour parvenir à des émissions nettes

de gaz à effet de serre (GES) nulles d’ici 2050, les municipalités ont

encore beaucoup de pain sur la planche.

En outre, nous avons l’obligation de rendre nos communautés rési-

lientes pour traverser les périodes de turbulences. Tant de choses

ont été faites, mais il reste encore énormément de travail à accomplir.

Les architectes paysagistes

En tant que professionnels, les architectes paysagistes ont com-

pris l’ampleur de la menace et la portée de l’urgence en matière de

climat et de biodiversité. Ils ont apporté des solutions innovantes

aux problèmes complexes auxquels nous sommes confrontés.

Leur engagement en faveur des communautés à faible émission

de carbone et à l’égard de la protection et de l’amélioration de nos

écosystèmes naturels et de la biodiversité apportera une contri-

bution importante à la prochaine étape de nos efforts collectifs.

Néanmoins, nous devrons tous améliorer nos performances pour

franchir la phase suivante de notre transition écologique.

Saint-Laurent

En tant que maire de Saint-Laurent, j’ai eu le privilège d’être le

témoin direct du talent remarquable, de l’expertise, de la créativité

et de l’innovation dont les architectes paysagistes font preuve. Je

l’ai constaté au cœur de nombreux projets phares réalisés dans ma

communauté, à Saint-Laurent, mais également par mon rôle et mes

responsabilités à la Ville de Montréal, où ils ont apporté une contri-

bution inestimable à plusieurs chantiers d’envergure.

Infrastructures

publiques résilientes

Avec les impacts des changements climatiques qui mettent à rude

épreuve les infrastructures publiques souterraines, nous devons

tous élargir notre perspective pour investir dans des moyens per-

mettant à nos infrastructures vertes de compléter nos infrastruc-

tures grises afin de fournir au mieux les services sur lesquels nos

communautés comptent. À Saint-Laurent, notre développement

résidentiel du secteur Bois-Franc a été conçu dans l’optique d’in-

tégrer les meilleures pratiques en matière de gestion des eaux

pluviales, de maximisation des espaces verts et des parcs, et de

construction de bâtiments durables. L’intégration de bassins de

biorétention dans l’aménagement paysager des parcs centraux

nous a permis de renforcer la résilience pour faire face à des pluies

plus fréquentes, plus intenses et plus abondantes sans dépasser

la capacité municipale existante en matière de gestion des eaux

pluviales.

Préoccupations concernant

les chaleurs extrêmes

Les changements climatiques entraîneront des phénomènes

extrêmes encore plus fréquents et intenses que les vagues de

chaleur que nous avons connues jusqu’à maintenant. La chaleur

extrême peut être mortelle pour les populations vulnérables telles

que les personnes âgées, en particulier dans les centres urbains, et

les stratégies visant à réduire les effets des canicules et des îlots de

chaleur urbains deviennent primordiales.

À Saint-Laurent, nous avons déployé une variété de mesures pour

renforcer la résilience envers les chaleurs extrêmes. Notre réglemen-

tation touchant les stationnements a été réécrite il y a plus de 10 ans

pour miser sur des matériaux perméables, des noues paysagères ou

des bassins de biorétention et un couvert végétal à 40 % de maturité.

De plus, nos règlements relatifs à l’installation et au remplacement de

revêtements de toiture sur un toit plat ou un toit à faible pente exigent

désormais l’installation de matériaux blancs. Nous avons également

ouvert la porte aux toits verts et aux panneaux solaires.

Preuve de sa volonté à contribuer à la lutte contre les changements

climatiques, le secteur privé nous a ensuite fait l’agréable surprise

d’innover en créant des jardins maraîchers et des serres sur des

toits de bâtiments commerciaux et industriels. La planification de la

plantation d’arbres à grand déploiement est une stratégie en cours à

Saint-Laurent dans les quartiers et dans les rues commerciales. Par

exemple, la conception d’aménagements paysagers augmentant

la canopée à 40 % a transformé l’une de nos artères commerciales

locales, le boulevard Décarie, avec, notamment, de larges trottoirs

conviviaux pour les piétons et piétonnes qui se sont révélés tout à fait

appropriés pour la distanciation sociale pendant la récente pandémie.

↑ Situé dans le secteur Bois-Franc, à Saint-Laurent,

le bassin de la Brunante représente l’intégration harmonieuse

d’un bassin de biorétention. / Photo : InterZONE Photographie

Association des architectes paysagistes du Québec

17

Biodiversité

À Saint-Laurent, nous nous efforçons de protéger nos espaces

naturels, nos écosystèmes et notre biodiversité mais, plus impor-

tant encore, nous avons travaillé fort pour ramener la nature en

ville. Par des initiatives visant à soutenir les habitats et les espèces

végétales qui attirent et nourrissent les papillons, abeilles et autres

insectes pollinisateurs, Saint-Laurent a intégré ces écosystèmes à

son infrastructure naturelle.

À proximité du boisé protégé du parc Marcel-Laurin, la façade de

notre Bibliothèque du Boisé est agrémentée de plus de 5 000 arbustes

et plantes vivaces qui offrent refuge et nourriture aux oiseaux et aux

abeilles.

De même, en réaffectant un couloir de services hydroélectriques à

Saint-Laurent en un corridor de biodiversité, nous sommes en train

de transformer un paysage stérile en un réseau qui reliera entre eux

les espaces verts existants et en développement tout en créant un

corridor continu propice au transport et déplacement des orga-

nismes vivants. Ces exemples ne sont que quelques-uns des projets

que nous avons réalisés localement grâce au soutien et à la vision

mise de l’avant par les architectes paysagistes et que l’on retrouve

également dans d’autres villes et villages du Québec. Ce que nous

devons faire maintenant, c’est accélérer la cadence, reproduire ces

meilleures pratiques à différentes échelles (locale, régionale, etc.) et

ainsi les rendre accessibles à toutes les communautés.

L’heure est venue d’agir

Soutenue par un financement de 1,6 milliard de dollars qui consti-

tue une bonne première étape, la Stratégie nationale d’adaptation

du Canada lancée par le gouvernement fédéral en novembre 2022

donnera l’occasion aux municipalités de s’adapter aux conditions

climatiques changeantes. L’objectif étant d’accroître la résilience,

la transformation et la durabilité de nos collectivités, je reste tou-

tefois convaincu que des fonds beaucoup plus importants seront

nécessaires dans les années à venir. La stratégie ouvre ainsi la

porte aux solutions qui s’appuient sur la nature et sont essentielles

pour contribuer à l’élimination nette des émissions d’ici 2050, à la

conservation de la biodiversité et à l’amélioration de la santé et du

bien-être de nos communautés.

Avant de conclure, permettez-moi de citer la présidente de la

Fédération internationale des architectes paysagistes, madame

Kathryn Moore, qui, en juin 2018, a déclaré : « Lorsque les architectes

paysagistes sont employés de manière appropriée au début du pro-

cessus de planification, le développement est en mesure d’obtenir

un bien meilleur retour sur investissement. Mais, de manière plus

significative, correctement soutenus par des clients et des systèmes

éclairés, les architectes paysagistes peuvent assurer le développe-

ment de villes, d’espaces urbains, de systèmes de transport, de parcs

et de places plus durables et résilients, ainsi que de solutions tou-

chant l’agriculture, la sylviculture et les systèmes d’énergie et d’eau,

en plus de contribuer à créer un plus grand sentiment d’appartenance

envers un lieu et une communauté. Tout cela est essentiel à la santé,

à la richesse et au bien-être des communautés dans chaque pays. »

En terminant, j’estime que la volonté politique est bien présente

pour relever les défis auxquels les municipalités sont confrontées,

que ce soit pour faire face aux impacts des

changements climatiques et de la perte de

biodiversité ou pour construire des com-

munautés résilientes. Et, surtout, je suis

convaincu que les architectes paysa-

gistes peuvent jouer un rôle encore plus

important sur ce plan à l’avenir. Je vous

invite ainsi toutes et tous à accompagner

les villes et les communautés dans cette

voie en étant proactifs et en n’hésitant pas à

aller au-delà des mandats pour sensibiliser

vos clients et clientes aux enjeux actuels et

leur proposer des solutions innovantes et

durables axées sur les objectifs décrits plus

haut. Par votre précieuse expertise, vous

représentez une force incontournable dans

cette lutte qui nous concerne toutes et tous !

→ Corridor biodiversité, boul. Cavendish

(après) Photo : Arrondissement

de Saint-Laurent

«   Les architectes paysagistes

étant des experts et des expertes

en solutions qui s’appuient sur

la nature, ce financement de

1,6 milliard de dollars constitue

une occasion qu’ils et elles

peuvent – et doivent – saisir

pour accélérer l’implantation

de systèmes en faveur d’une

transition écologique.

18

Paysages — No 18

Iseult Séguin-Aubé

Architecte paysagiste

La Convention relative aux droits de l’enfant est venue enchâsser,

au sein du droit international, la nécessité de tenir compte de l’avis

des enfants sur les situations pouvant exercer une influence sur leur

vie; de plus, elle souligne leur droit à l’expression dans le domaine

public2 et s’applique en conséquence tant aux adolescents qu’aux

enfants de plus bas âge. Il importe ici de souligner que le Canada

reconnaît le statut d’enfant aux individus de moins de 18 ans.

Le droit à la participation en ce qui concerne les décisions prises

en aménagement est implicite au sein de la Convention relative aux

droits de l’enfant. La communauté internationale a toutefois for-

mulé des objectifs explicites à cet égard depuis le milieu des années

1990. Elle s’est en effet ralliée à l’idée selon laquelle il est essentiel

de « prêter une attention particulière aux processus participatifs qui

contribuent à façonner les villes, les bourgs et les quartiers, ceci afin

d’assurer de bonnes conditions de vie aux enfants et aux jeunes, et

de tirer parti de leurs idées, de leur imagination et de leurs réflexions

sur l’environnement3 ». On reconnaît ainsi une valeur spécifique à

la participation des enfants et des adolescents à l’aménagement.

Participation et changements climatiques :

au-delà de la vulnérabilité

Alors que les enfants présentent de fortes vulnérabilités aux effets

des changements climatiques4, il semble d’autant plus important de

réfléchir aux moyens d’assurer leur implication active à la recherche

de solutions visant la création de villes résilientes. Ceci est d’ailleurs

souligné dans la Déclaration en faveur des enfants, des jeunes et de

l’action pour le climat, élaborée en 2019 en marge de la COP255.

Cette déclaration relève la contribution à la résilience des com-

munautés par des actions visant à renforcer le pouvoir d’agir des

enfants et des jeunes. Tout en soulignant les risques posés au bien-

être des enfants par la crise climatique, cette déclaration fait ressor-

tir leur statut d’acteur social à part entière. Ainsi, on ne les restreint

pas à un rôle de victime à protéger et on leur reconnaît la capacité

de contribuer activement à l’atténuation et à l’adaptation.

Cette conception de l’enfance s’éloigne des tendances observées

au sein de la recherche comme des politiques publiques qui peinent

à reconnaitre le potentiel inhérent à la participation des enfants et

adolescents à la gestion de cette crise6. Les architectes paysagistes

peuvent contribuer à l’inversion de cette tendance en démontrant,

par la pratique, les retombées positives pouvant découler des pro-

jets de paysage inclusifs.

Architecture de paysage et résilience

Le paysage, dans sa matérialité, fait partie intégrante de la solution

en matière d’atténuation des changements climatiques et d’adap-

tation à ces changements, et les architectes paysagistes jouent un

rôle actif à cet égard. De la gestion des eaux pluviales à la réduction

des risques liés aux événements de chaleur extrême, les projets

L’intérêt pour la participation des enfants en aménagement

repose sur une mouvance présente dès les années 1960,

prenant notamment appui sur les travaux menés par Kevin

Lynch dans le cadre du programme Grandir en ville1.

La participation

des enfants

en aménagement :

un droit à valoriser

Participation publique

Association des architectes paysagistes du Québec

19

Des expériences ont été menées afin d’inclure les enfants

et adolescents dans la conception d’espaces publics.

L’analyse de ces démarches démontre la grande créati-

vité dont ils peuvent faire preuve. De plus, elle illustre leur

capacité à dialoguer de façon à obtenir des consensus

ainsi qu’à prendre en compte les besoins d’une diversité

de groupes12.

Dans le cadre de telles démarches, les adultes sont appelés

à jouer un rôle de facilitation et d’accompagnement permet-

tant aux participants d’acquérir des compétences en design

et en communication. Ce type de processus de conception

collaborative est reconnu pour favoriser un fort sentiment

d’appartenance aux aménagements qui en découlent. Ceci

peut être mis à profit de manière à favoriser la diffusion de

l’information au sein des communautés, permettant à un

plus grand nombre d’individus de se familiariser avec les

ressources présentes au sein de leur milieu de vie.

Selon l’âge des enfants, différentes tâches peuvent leur être

confiées lors de la phase de mise en œuvre du projet de pay-

sage. De la plantation d’arbres à la construction de bacs de

plantation pour l’agriculture urbaine, divers gestes peuvent

être posés, renforçant d’autant plus le sentiment d’apparte-

nance mentionné précédemment.

L’attachement au lieu ressenti par les personnes ayant

contribué à la création d’aménagements permet de favoriser

le respect des infrastructures et de susciter l’intérêt pour la

contribution à l’entretien de ces espaces. Par exemple, les

jeunes peuvent participer à des corvées de nettoyage, de

peinture et de réparation, ou encore être appelés à parti-

ciper de façon plus régulière au désherbage et à l’arrosage

des végétaux. On connaît bien la grande vulnérabilité des

nouvelles plantations, en particulier lors des périodes de

chaleur accablante. La survie des végétaux peut toutefois

être améliorée lorsque des personnes se sentent investies

d’une certaine responsabilité à l’égard de leur santé. Les

enfants peuvent apporter une aide en ce sens par leurs

actions en matière d’entretien et par leur contribution à la

conscientisation des adultes de leur entourage.

Il est possible de constater l’existence d’une grande diver-

sité de bienfaits pouvant découler de l’inclusion des enfants

et adolescents lors des différentes étapes des projets de

paysage. Afin de mener à bien de telles démarches, les res-

sources nécessaires doivent toutefois être consenties par

les donneurs d’ouvrage. Pour ce faire, la valeur de ces pro-

cessus participatifs doit être reconnue. Les architectes pay-

sagistes ont ici un rôle essentiel à jouer afin de convaincre

les décideurs de l’importance de ces démarches pour

s’adapter aux changements climatiques et les atténuer.

de paysage peuvent favoriser la résilience des communautés. Il n’y

a toutefois pas que la dimension matérielle des paysages qui puisse

être mise à profit pour apporter une contribution en ce sens. La prise

en compte des dimensions intangibles du paysage, tant culturelles

que sociales et politiques, est essentielle. La résilience des commu-

nautés repose sur les capacités individuelles et collectives à faire face

aux transformations et à l’instabilité, ce qui passe par l’acquisition de

nouvelles connaissances et compétences qui peuvent par la suite être

transposées en actions concrètes7. Le paysage possède un potentiel

didactique à valoriser afin de relever ce défi colossal. L’implication des

jeunes de tout âge au sein des projets de paysage peut accroître leur

résilience ainsi que celle de la société. Ceci permet notamment d’aug-

menter leur estime de soi, de favoriser leur sentiment d’appartenance

à leur communauté et de renforcer leur pouvoir d’agir8. Comme nous

le verrons, chaque étape du projet de paysage constitue de fait une

occasion à saisir en mettant de l’avant des processus participatifs

inclusifs favorables aux enfants et adolescents.

En étapes

Les environnements qui sont explorés durant la petite

enfance sont contrôlés par les adultes qui encadrent les

déplacements et régissent les moments d’interaction avec

des tiers dans le domaine public9. En vieillissant, les enfants

ont généralement accès à une plus grande diversité d’es-

paces alors qu’ils acquièrent une certaine autonomie de

mouvement. Cette liberté est néanmoins modulée par dif-

férents facteurs sociaux, culturels et environnementaux. Les

enfants appréhendent le paysage de manière multisenso-

rielle en s’appuyant sur leurs expériences. Ainsi, bien que

les experts et les enfants puissent porter de l’intérêt aux

mêmes paysages, les valeurs sous-tendant l’importance

qui leur est accordée tendront à être différentes10. Dans

la recherche comme dans la pratique, on offre rarement

l’occasion aux enfants d’agir en tant qu’évaluateurs des pay-

sages. En ne s’intéressant pas à leurs valeurs paysagères,

on se retrouve avec un déficit de connaissances à même de

façonner l’aménagement de milieux de vie résilients contri-

buant à leur bien-être.

Divers outils peuvent favoriser l’acquisition d’une compré-

hension adéquate des besoins et motivations sous-ten-

dant l’utilisation des espaces publics par les enfants. Ces

démarches peuvent également engendrer des retombées

positives pour les participants, sur le plan tant psycholo-

gique que social. Pensons ici à la méthode Photovoice, qui

est régulièrement utilisée en santé publique, ou encore à la

cartographie participative, qui peut prendre une multitude

de formes de manière à s’adapter aux besoins et compé-

tences des jeunes d’âge différents. Les expériences menées

par l’organisme Growing Up Boulder sont particulièrement

intéressantes à cet égard11.

Accédez aux références de cet article :

bit.ly/41gEPOd

Acquisition de connaissances

Conception

Mise en œuvre

Gestion et entretien

20

Paysages — No 18

Photo : Mathieu Sparks (Ville de Montréal)

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104

Made with Publuu - flipbook maker