PERTES ET GASPILLAGES
DANS LA FILIERE
PÊCHE et AQUACULTURE
ÉTAT DES LIEUX DU BATEAU JUSQU’À L’ASSIETTE
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introduction
Selon l’IFREMER [iv], 39 % des stocks halieutiques [a] de nos côtes sont exploités à
un niveau biologiquement non viable. La surpêche touche 21 % des volumes de
poissons débarqués dans les ports français. Une proportion importante, mais
rappelons que la situation s’est largement améliorée depuis le début des années
2000, où 58 % des débarquements étaient issus de la surpêche.
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[a] Stock : population d’une même espèce vivant dans un endroit donné
Ces estimations de la FAO [i] et de l’ADEME [ii] pointent toutes deux un
dysfonctionnement majeur de nos systèmes alimentaires aquatiques. Alors qu’un
quart des Français dit ne consommer du poisson qu’une fois par mois maximum en
raison de son prix trop élevé, nous en gaspillons à toutes les étapes de la filière, du
bateau jusqu’à l’assiette [iii]. Selon les estimations de l’ADEME, la valeur des produits
de la mer perdus pour la consommation humaine atteignait 3 milliards € en 2016,
rien que pour la France.
De tous les gaspillages alimentaires, celui de poisson occupe une place à part, car il
porte sur la dernière portion sauvage de notre assiette. Son impact environnemental
est particulièrement lourd. Il touche des populations animales aquatiques déjà
malmenées par la surpêche, la pollution des océans et le changement climatique.
DES PRODUITS DE LA MER GASPILLÉS DANS LE
MONDE
TOUT
AU
LONG
DE
LA
CHAÎNE
ALIMENTAIRE ; 30 % À L’ÉCHELLE DE LA FRANCE .
35 %
Valeur théorique
des pertes : 3 Milliards €
ademe, 2016
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Tous les maillons de la filière ont un rôle à jouer pour réduire l’impact social,
économique et environnemental du gaspillage des produits de la mer. Mais avant
d’agir, il convient d’identifier les sources des pertes, de les chiffrer et d’analyser leurs
causes. C’est l’objectif que s’est fixé le Fonds Anti-gaspi en rédigeant la première
version de ce Livre blanc.
La tâche a été difficile, car les études précitées faisant référence sur le sujet datent
de 2012 pour la FAO et de 2016 pour l’ADEME. De nombreux articles sont parus
depuis, mais leur angle premier porte rarement sur les pertes, et ils sont souvent
parcellaires. Nous avons tenté de les rassembler dans cette étude documentaire
aussi exhaustive que possible et de les mettre en perspective afin de pouvoir poser
un regard transversal sur le sujet.
Le poids particulièrement pesant des importations dans ce secteur est venu
compliquer cette analyse. Près des trois-quarts des volumes consommés en France
proviennent de l’étranger [v]. Les changements de mains successifs des produits
ainsi que leurs nombreuses transformations rendent la compilation des données
ardue.
Le Fonds Anti-Gaspi a pour ambition de mobiliser toutes les parties prenantes
autour de cet enjeu, d’embarquer les acteurs de la filière - pêcheurs, aquaculteurs,
transformateurs, distributeurs – et leurs prestataires, mais aussi consommateurs,
scientifiques, associations, collectivités et structures publiques. Certains ont déjà
trouvé des solutions pertinentes pour diminuer les pertes et le gaspillage. Puisse ce
Livre blanc participer à l’essaimage de ces bonnes pratiques !
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Limiter les pertes
dans la filière pêche aquaculture,
c’ est non seulement
lutter contre le gâchis alimentaire,
améliorer la performance
des acteurs économiques
mais aussi œuvrer concrètement
pour préserver
la biodiversité marine.
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La chaîne de valeur des produits de la mer est longue est
souvent tortueuse. Avec 70 % des volumes importés du
monde entier, retracer toutes les pertes est une gageure. Mais
une chose est sûre : toutes les étapes produisent des pertes,
du bateau jusqu’à l’assiette.
En mer : des poissons souvent comestibles rejetés en
masse à bord des bateaux par les équipages. Dans le monde,
10 % des prises sont remises à l’eau. Un taux qui grimpe à
25 % sur les côtes françaises. Une pratique néfaste pour les
acteurs économiques et les animaux aquatiques dont la
majorité meurt une fois rejetée. Les pêcheurs ne capturent
pas ces espèces volontairement, mais à cause du manque de
sélectivité de leur engin de pêche. Les espèces protégées
telles que les dauphins, les tortues ou les oiseaux tués
pendant les opérations de pêche constituent également des
pertes pour la biodiversité et les écosystèmes marins.
Deux raisons à ces rejets :
Une d’ordre économique : le manque de débouchés
commerciaux pour certains poissons peu connus par les
consommateurs. La filière ne s’intéresse pas à ces produits
car ils dégagent trop peu de valeur.
L’autre d’ordre réglementaire : les pêcheurs n’ont pas le
droit de commercialiser dans le circuit de l’alimentation
humaine les poissons pêchés au-delà de leurs quotas et ceux
qui n’atteignent pas la taille minimale légale.
Dans les élevages marins : pas de chiffre global sur les
pertes, mais des surmortalités qui occasionnent 15 % de
pertes chez le saumon, notre poisson star, voire 30 chez notre
mollusque préféré : l’huître. Le réchauffement des eaux induit
par le changement climatique et les pollutions souvent
occasionnées par des stations d’épuration défectueuses
alourdissent les pertes.
A terre : la chair du poisson n’est valorisée qu’à 80 %.
Prélever les filets et les darnes ne suffit pas : les bas-
morceaux peuvent être exploités. Ils partent trop souvent au
rebut.
Stockage / Logistique : le poisson a beau être l’une des
marchandises les plus échangées à travers le monde, nous
n’avons trouvé aucune donnée spécifique sur les pertes du
maillon logistique. Il est pourtant fort probable que des
ruptures de la chaîne du froid occasionnent du gaspillage car
cette denrée très fragile doit impérativement être conservée
entre 0 et 2°.
Pendant la distribution : près d’un poisson sur dix retiré
de l’étal, direction la poubelle, s’il n’est pas vendu dans les 2
ou 3 jours. La fraîcheur est le critère numéro un d’achat de
cette denrée ultra-fragile.
A la maison : presque 5 % de poisson gaspillé, alors
qu’un Français sur quatre n’en mange pas ou au mieux une
fois par mois. Un vrai gâchis en termes de pouvoir d’achat : le
prix du poisson a augmenté de 28 % en dix ans.
résumé
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Ces données chiffrées sont résumées dans un schéma page suivante (FIGURE 1).
Attention, elles ne portent pas toutes sur le même périmètre géographique. Il n’est donc pas pertinent de les compiler.
Rejets
110 à 120 000 t
(eq. 55 à 60 000 t
poids net)
25 %
330 millions €
360 millions
Surmortalité
15 %
2 milliards $
1 milliard
Saumon de Norvège
0,4 %
2 millions €
Invendus
en criée
686 t
dont 281
de poisson
850 000
(poisson)
18 %
des captures
européennes
18 %
24 millions €
Surmortalité
12 600 t
30 %
155 millions €
Surmortalité
50 000 t
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sous
valorisation
17 %
414 millions €
345 millions
4 %
1,2 milliards €
gaspillage
83 000 t
550 millions
dont
coproduits
51 800 t
???
casse
76 000 t
1 milliard €
500 millions
FIGURE 1. schéma récapitulatif des pertes et du gaspillage à chaque étape de la filière
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3,5 à 8%
3,5 %
4 %
table des matières
Introduction
Résumé
Table des matières
UN poisson sur 4 rejeté à l’eau : le grand gâchis des ressources alimentaires marines
Et si on arrêtait de snober les poissons que la mer veut bien nous offrir ?
Les poissons mal-aimés de nos côtes
Focus Espèce. Le tacaud, un poisson parfois rejeté à 100 %
Des poissons mal aimés qui meurent souvent à cause de leur rejet
Focus Biodiversité. Des rejets qui perturbent les écosystèmes marins
Méconnaissance et désamour des consommateurs
Une valeur marchande trop faible pour intéresser la filière
Pourquoi les pêcheurs continuent-ils à capturer ces espèces ?
Quel modèle économique inventer pour mieux valoriser ces poissons mal aimés ?
Focus Solutions. Poiscaille, le distributeur qui met en avant les mal aimés
Les potentiels effets pervers d’une nouvelle filière
Focus Espèce. Vigilance avec le congre
Quand la réglementation interdit la valorisation des rejets pour la consommation humaine
Des rejets qui doivent être débarqués
Une valorisation interdite dans l’alimentation humaine
Des rejets en mer qui perdurent malgré l’interdiction
Rejets et gaspillage alimentaire
Un projet d’atelier de valorisation des rejets financièrement rentable
Focus Ressources. L’impact économique à long terme du rejet des sous-taille
Améliorer les engins de pêche pour réduire le gaspillage à la source
Engins actifs de fond et taux de rejets
Le chalut de fond, un engin qui manque de sélectivité
Ne plus trier sur le pont, mais sur le fond
Les captures accidentelles d’espèces interdites à la pêche
Focus Espèce. Les rejets de la pêche au thon, le poisson le plus consommé en France
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coquillages & POISSONS d’élevage : l’aquaculture frappée par la surmortalité
Moules et huîtres : jusqu’à 30 % de mortalité
Huîtres : une surmortalité qui s’installe
Focus Espèce. Huîtres interdites à la vente : jusqu’à 30 % de perte supplémentaire
Moules : maladies, climat et prédateurs
Des produits d’élevage issus du monde entier : des pertes difficiles à évaluer
Le saumon norvégien, roi de nos étals : 15 % de pertes
Du poisson sauvage comestible pour nourrir les poissons d’élevage : du gaspillage ?
Le premier poisson pêché au monde qui finit en farine
Sécurité alimentaire humaine et animale
Des captures de la pêche minotière toutefois en baisse
Europe : 18 % des poissons sauvages détournés
Focus Espèce. Le sprat, la petite sardine européenne écartée de nos assiettes
Transformation : les pertes à terre
Surproduction : le devenir des produits retirés du marché
Focus Solutions. Les Paniers de la mer mixent anti-gaspi et insertion
industrie : seulement 80 % de la CHAIR DU POISSON valorisée
Les bas morceaux du poisson délaissés
Plus de 50 000 t comestibles transformées en farines
Deux transformateurs aidés par l’ADEME pour diminuer leurs pertes
Un manque à gagner réduit de 12 % dans une conserverie bretonne
22 % de gaspillage alimentaire en moins dans une usine de saumon fumé
Focus Solutions. Des prestataires spécialisés pour mieux valoriser les pertes
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Valoriser les pertes liées aux cahiers des charges
La rupture de la chaîne du froid, une épée de Damoclès
Une longue chaîne qui multiplie les risques
Des emballages sous vide ou sous atmosphère modifiée
Des capteurs intelligents pour mieux détecter les produits en fin de vie
Des bactéries pour lutter contre le gaspillage alimentaire
Le gaspillage sur les étals et dans nos assiettes
Distribution : quasiment 1 poisson sur 10 perdu sur les étals
Etal : un taux de casse élevé
Des produits crus qui ne peuvent être donnés aux associations
Un étal sans glace, la solution pour réduire les pertes ?
Du poisson à date courte pour écouler les invendus ?
Un produit onéreux pourtant gaspillé à la maison
Des produits de la mer devenus inaccessibles pour certains
Conclusion
Sources
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